LeSoleil | À quand une étiquette sur la durée de vie des appareils électroniques?

Article commandité paru dans LeSoleil le 23 février 2018


En collaboration avec Le Soleil, l’Université Laval signe une série d’articles présentant les retom­bées de ses recherches sur le quotidien des gens. Cette semaine, nous mettons en lumière la Faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design de l’Université Laval.

Avez-vous un vieux cellulaire encore fonctionnel que vous avez relégué au fond d’un tiroir après en avoir acheté un nouveau? Auriez-vous pu le revendre? Ou, s’il ne fonctionne pas très bien, le faire réparer? Au fond, quelle est la durée de vie d’un cellulaire? Si plusieurs ont tendance à le changer après deux ans, les experts s’entendent pour dire que la durée de vie technique d’un tel appareil serait de quatre à cinq ans. Connaître cette information vous aurait-il incité à prendre une décision différente? C’est le pari que fait Claudia Déméné, professeure adjointe à l’École de design de l’Université Laval. 

Cette chercheuse s’est mis en tête de réaliser une étiquette sur la durée de vie estimée des produits électroniques, dans la même veine qu’ÉnerGuide qui renseigne sur le rendement énergétique. Elle a obtenu une subvention de près de 60000$ du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) pour réaliser ce projet. 

La durée de vie des appareils sera fournie par les fabricants, et le grand défi pour l’équipe de Claudia Déméné sera de trouver une façon effi­cace de présenter cette information selon l’utilisation faite de chaque produit. Par exemple, pour une laveuse, la durée de vie pourrait être exprimée en nombre de cycles de lavage. Pour une télévision, cela pourrait être en années en précisant un nombre d’heures d’utilisation quotidienne. «Il faut que l’information sur la durée de vie soit présentée au futur acquéreur d‘un équipement électro­nique de façon à devenir un critère d’achat, explique la chercheuse. Le design de présentation n’est pas qu’une question esthétique.»

Claudia Déméné

Claudia Déméné, professeure adjointe à l’École de design de l’Université Laval.

Influencer le choix des consommateurs

Est-ce que tout le monde n’achèterait que des produits durables et les uti­liserait jusqu’à la fin de leur durée de vie technique si les appareils électroniques étaient munis de telles étiquettes? Bien sûr que non! Par contre, une étude commandée par la Commission européenne en 2016 a révélé que l’affichage de la durée de vie a, pour plusieurs produits, tendance à amener les consommateurs à opter pour les plus durables.

Il faut que l’information sur la durée de vie soit présentée au futur acquéreur d’un équipement électro­nique de façon à devenir un critère d’achat. – Claudia Déméné

Par exemple, si le besoin d’utilisation d’un appareil est ponctuel, on peut choisir un produit plus facilement recyclable ou plus durable avec une bonne valeur de revente. 

«Si l’étiquette indique que l’article a une durée de vie de dix ans et qu’on s’en débarrasse après cinq, on sera probablement plus tenté de le revendre ou de le donner à un proche que si sa durée de vie est près de se terminer», indique Claudia Déméné, qui commencera son projet de recherche au début de l’été avec des étudiants à la maîtrise et au doctorat.

Pas seulement la faute des fabricants

La durée de vie des objets électroniques est souvent liée au concept d’obsolescence programmée: les fabricants réduiraient volontairement la durée de vie de leurs produits pour amener les consommateurs à en acheter de nouveaux. 

Claudia Déméné

Claudia Déméné supervisant les travaux pratiques d’étudiants des cycles supérieurs.

Or, s’il est bien pratique pour le consommateur de mettre la faute de l’obsolescence programmée sur le dos du fabricant, la réalité est plus nuancée, d’après la professeure qui a complété sa thèse de doctorat sur le sujet en 2014. «Les fabricants ont une responsabilité, certes, mais les consommateurs aussi, puisqu’ils ont souvent tendance à changer leurs produits électroniques même si ces derniers ne sont pas rendus au bout de leur durée de vie technique», explique-t-elle. Plusieurs produits seraient victimes d’obsolescence psychologique, technologique ou écologique, remarque la chercheuse. Rappelez vous il y a quelques années, lorsque la mode des électroménagers est passée à l’acier inoxydable. Lorsqu’un appareil brisait, il était bien tentant d’en profiter pour tous les changer afin d’avoir un ensemble appareillé. 

Trouver des stratégies efficaces afin d’inciter les gens à conserver leurs produits plus longtemps est en fait un grand défi. «Pour informer les consommateurs des enjeux entourant la durée de vie des produits électroniques, les résultats de notre recherche seront communiqués au grand public par l’entremise de midis-conférences et d’articles d’ici deux ans, explique Mme Déméné. Il faut sensibiliser les gens sur la durée de vie des produits électronique parce que la quantité de déchets qu’on produit a de grandes conséquences environnementales, sociales et éthiques. Chacun a sa part de responsabilité.»

Pour en connaître davantage sur les travaux de Claudia Déméné, consultez le site de l’École de design de l’Université Laval.

Source : journal LeSoleil