19 novembre 2024
Nouvel aménagement pour les étudiantes et étudiants du baccalauréat en design graphique
18 juin 2019
Collation des grades 2019
C’est lors d’une cérémonie très touchante que nous avons célébré dimanche dernier la réussite de 239 de nos 467 diplômés qui ont obtenu un grade universitaire dans des domaines aussi variés que l’aménagement du territoire, l’architecture, l’art et le design.
Nous saluons ainsi tous les efforts que vous avez investis, et Dieu sait qu’ils sont nombreux, dans votre quête de nouvelles connaissances et de nouveaux savoir-faire, ces précieux outils qui vous permettront d’exercer une profession ou de poursuivre sur les chemins de la recherche fondamentale ou appliquée. Voilà une grande étape de vie qui est franchie. C’est à la fois l’aboutissement d’un processus et le commencement d’un autre. Le diplôme que vous avez reçu des mains de notre rectrice vous donnera accès à d’innombrables opportunités tant sur le plan local qu’à travers le monde. Vos parents et vos proches, tout comme nous, avons toutes les raisons d’être très fiers de votre accomplissement.
Mais avant de nous quitter, j’aimerais vous livrer un message. Un message qui m’est largement inspiré d’ailleurs par la récipiendaire d’un doctorat d’honneur : madame Louise Otis. Ce message concerne la capacité à développer notre SENS de l’écoute. L’écoute de l’autre avec ouverture et sans jugement. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que nous vivons une époque de grands bouleversements, tant sur les plans économique, politique et social. Les multinationales de l’internet imposent leur loi et asphyxient la concurrence. Les décideurs politiques font de moins en moins confiance à la science et reposent de leurs décisions sur les dictats populistes. Et sur le plan social, notamment par l’influence des réseaux sociaux, nous assistons à une polarisation des opinions et de son corolaire : une accentuation de l’intolérance. Des groupes d’influences se dessinent de plus en plus et certains réclament que l’on réduise au silence ceux et celles qui tiennent des propos jugés offensants. La liberté d’expression est ainsi mise à mal dans différents secteurs d’activités. Les universités ne sont d’ailleurs pas à l’abri de cette réalité. Ainsi, il a été fait état par une documentariste1 que :
« Plusieurs cas répertoriés dans les universités anglaises, américaines et canadiennes font état de conférences annulées ou de professeurs réprimandés après que des étudiants aient trouvé leurs propos offensants.»
Et pourtant, un jugement de la Cour suprême du Canada2 stipule clairement que :
« […] la liberté d’expression a été consacrée par notre Constitution et est garantie dans la Charte québécoise pour assurer que chacun puisse manifester ses pensées, ses opinions, ses croyances, aussi impopulaires, déplaisantes ou contestataires soient‑elles.»
Puis, comme le relate Universités Canada dans un document publié récemment3 :
« Les universités sont là pour favoriser la libre circulation des idées. Elles offrent depuis longtemps une tribune où se tiennent des dialogues difficiles. Les universités invitent des professeurs, des étudiants et des conférenciers externes à explorer des sujets controversés dans le cadre de discussions, d’exposés et de débats respectueux et éclairés. »
Mais avec la polarisation grandissante des opinions et de l’accentuation de l’intolérance à l’égard des idées qui dérangent, la liberté d’expression a besoin plus que jamais d’être défendue.
Dès lors, à quoi bon donner la chance à tout le monde de s’exprimer si, en bout de ligne, personne n’écoute? Comment peut-on prétendre, grâce à la libre circulation des idées, bâtir une meilleure société si la parole de l’un n’est qu’un simple bruit de fond pour l’autre ?
Alors, oui, la liberté d’expression permet la libre circulation des idées.
Mais sans écoute, nous n’avons que des idées qui circulent. Alors, la question se pose : serions-nous des sourds parlants ? Car il est facile de demeurer campés sur ses positions, d’être rassurés par le confort de nos certitudes. Bref, d’être convaincus de nos convictions.
Mais comment se sortir de cette habitude pour tranquillement entamer le dialogue avec la différence ? Pas facile, vous me direz ? C’est vrai.
J’aurais envie de vous lancer un défi, vous, nos jeunes et fiers diplômés.
La prochaine fois que vous entamerez une discussion ferme avec quelqu’un qui ne partage pas du tout la même opinion que vous, voici ce que je suggère : au lieu de voir cette discussion comme un combat à finir duquel vous devez sortir gagnant, voyez plutôt là une opportunité de co-construire, avec l’autre, une façon différente d’appréhender le monde. APPRENEZ à recevoir les propos de l’autre, SANS JUGEMENT. Essayez de voir dans son propos les éléments qui seraient susceptibles d’enrichir le vôtre. Car tout n’est pas blanc ou noir. Et il est faux de croire que dans les propos même les plus contraires à nos valeurs, que tout soit à rejeter du revers de la main.
Au mieux, émergera de cet exercice une nouvelle idée, un nouveau concept, et au pire, la teinte de vos lunettes aura quand même changé légèrement contribuant ainsi à votre propre évolution et celle de la société par la même occasion.
Donc oui, vivement la liberté d’expression, mais aussi, vive le devoir d’écoute.
Je vous souhaite à toutes et à tous, chers diplômés, tout le bonheur que vous méritez dans vos projets futurs.
Alain Rochon
Doyen
Faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design
1/ TREMBLAY, Marie-Ève. Extrait de : «La liberté d’expression en danger dans les universités?» in Corde sensible, Youtube. Écouté le 15 juin 2019.
2/ Extrait du jugement de la Cour suprême du Canada « Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927».
3/ Universités Canada. Décembre 2017.